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LES PONTONS ANGLAIS ou l’infamie des dirigeants britanniques


A British soldier describes being dispatched along with his regiment in 1799:
“….to Norman Cross for the purpose of guarding some thousands of unhappy Frenchmen, cooped up in that place and clothed in yellow (the prison dress), to expiate their revolutionary sins by many years captivity and exile in loathsome prison, cut off from family and friends.
Their necessities forced them to exert their ingenuity in making various curious toys which the disposed of at a very low rate to enable them to procure a few comforts to alleviate their extreme wretchedness…..for want of clothes many of them suffered every privation rather than be clad in a conspicuous and humiliating colour.”


Source:
http://cache.media.education.gouv.fr/file/centenaire/05/4/art_des_tranchees_401054.pdf

1 LES PONTONS ANGLAIS ou l’infamie des dirigeants britanniques « Il y a quelque vingt années, se dressaient sur les rades anglaises de vieux mâts pelés et rabougris, de vieu x sabords hérissés de grilles et de barres de fer, de vieux b ois assez bons tout au plus pour tenir serrés et parqués des morts , de vieilles planches assez moisies, assez corrompues, pour gâte r et décomposer au seul contact les corps vivants les pl us robustes... Ces antres de douleurs, ces nids d’angoisses, ces monstruosités flottantes étaient des Pontons ; ces hommes, des héros de France ; ces bêtes féroces... des Anglais ! » Édouard Gouin « Le ciel, dans sa miséricorde, avait donné à chacun des pauvres prisonniers français, vingt fois le cou rs de la vie ordinaire à dépenser, puisqu’ils n’ont pas succombé tous. » Pillet « Quoique le nom de notre vainqueur puisse vivre dans l’Histoire, maudite soit la marche du conquérant qu i foule aux pieds des cœurs nobles et libres ! Oh ! plus chère que les trophées de tous ceux qui se sont élevés à la gloire sur les ruines de la libert é, est la tombe ou la prison illustrée par le nom d’un martyr de la patrie. » Thomas Moore (1779 – 1852) Sous le règne de l’Empereur Napoléon 1 er , la France put s’enorgueillir d’avoir toujours bien traité ses prisonniers de guerre, comme en att este cette histoire rapportée par l’historien anglais Gould, lequel la tenait, lui-même, du capit aine Akerman, sujet de « Sa Majesté » qui connut la captivité, dans la ville de Verdun, à l’é poque du Premier Empire : alors que Napoléon passait, un jour, par Verdun, il apprit qu e des prisonniers anglais y étaient détenus. A cette nouvelle, il ordonna aussitôt qu’un plantur eux repas leur fût offert pour Noël, assorti de la remise d’une pièce d’or (un napoléon, bien en tendu). Malheureusement pour les soldats français qui tomb èrent entre les mains des Britanniques, leur sort fut loin d’être aussi envia ble. Emprisonnés dans des geôles infectes, objets de mille brimades et autres humiliations, il s ne recevaient, pour toute nourriture, que le strict minimum (tout juste de quoi ne pas mourir de faim). Pire que tout, certains d’entre eux connurent l’enfer des pontons, des prisons flottant es dont nous donnerons, ci-après, une description complète. En adoptant une attitude si p eu honorable vis-à-vis des combattants de la Grande Armée, les dirigeants anglais voulaient s ans doute faire payer à la France son audace de vouloir, ainsi, lui tenir tête. Mais cet esprit rancunier et misérable constitua une 5 temps, les pontons se trouvaient à proximité de zon es marécageuses qui ajoutaient encore à l’inconfort des prisonniers. A ces conditions de vie difficiles - propices au dé veloppement de nombreuses maladies, comme nous le verrons plus loin - venait s’ajouter une nourriture que les paysans britanniques auraient sans doute hésité à donner à leurs cochons ! Une fois de plus, l’auteur Edouard Gouin s’offusque de la qualité détestable de ces denrées que l’on osait servir aux Français : « Pour tout un jour, un lambeau de morue avariée, ou un morceau de viande gâtée, ou un biscuit dévoré des vers – c’est-à-dire du poison, - quatre onces d’un pain mal cuit, gluant, plein d’ea u, fait de blé noir et de farines pourries ; quatre onces ! tout juste de quoi ne pas mourir !... - On tombe empesté par les vivres ou les entrailles mangées par la faim... - Faites, Seigneur, qu’ils ne se relèvent plus ! » On pourrait croire ces propos largement exagérés. I ls ne sont, en fait, que l’expression d’une bien triste réalité. Toujours grâce aux Mémoires du lieutenant Mesonant, nous savons que la ration quotidienne (et officielle) distribuée à chaque pri sonnier se composait, les jours gras, d’une livre et demie de pain bis et d’une demie-livre de viande de vache, de soupe (que Guillaume Alméras comparait à de l’eau chaude) et de trois on ces de gruau. Quatre hommes devaient, en outre, se partager une once d’oignons et de sel. Le s jours maigres, soit le mercredi et le vendredi, la viande et la soupe étaient remplacées par une livre de harengs saurs (ou de morue sèche) et une livre de pommes de terre. Toutefois, les portions n’étaient jamais complètes. De plus, les prisonniers étaient souvent condamnés à n e recevoir que les deux tiers de leur ration, par suite de tentatives d’évasion ou de trous décou verts dans la coque (à noter que les punitions étaient ordinairement collectives). De so rte que les quantités réelles reçues par chacun des détenus (par jour) étaient les suivantes : - Pour les jours gras : 19 onces (environ 450 gramm es) de pain, 3 onces (correspondant à peu près à 75 grammes) de viande, et une pinte (représentant un peu plus d’un demi litre) de bouillon. - Pour les jours maigres : 19 onces de pain, cinq onces (120 grammes) de harengs saurs ou 13 onces (312 grammes) de morue, et 13 onc es de pommes de terre. A ces quantités déjà faibles pour des hommes dans la force de l’âge, venait s’ajouter une qualité parfaitement détestable. Les harengs sa urs, par exemple, étaient le plus souvent immangeables, car complètement pourris. La morue ne valait guère mieux, mais les estomacs aguerris parvenaient à la supporter. Quant au pain, il donnait régulièrement aux captifs des raisons de se plaindre, ainsi que nous le rappelle le lieutenant Mesonant : « ...il arrive que le pain est refusé par les prisonniers, parce qu’il es t comme de la terre, et que les dix neuf onces ne sont pas plus grosses que les deux poings ; on v a faire des réclamations au lieutenant qui commande le ponton, qui en instruit le commissaire, et on est obligé d’attendre les ordres de ce dernier, pour savoir si l’on est forcé de recevo ir ce mauvais pain, dont on lui envoie un échantillon, ou si l’on donnera du biscuit à la pla ce. Il nous est arrivé, un jour, de rester jusqu’à cinq heures du soir avant de recevoir la ra tion, et par conséquent, de demeurer près de vingt-quatre heures sans manger. » Ajoutons à ce régime de l’eau saumâtre (récupérée dans les estuaires des rivières) pour toute boisson, et le tableau sera complet ! Naturellement, avec un tel traitement, les maladie s, notamment pulmonaires, firent des ravages parmi les prisonniers. On estime que les di verses affections dont furent victimes les détenus, conduisirent de vie à trépas (sur les pont ons) plus de 10.000 hommes. Nombre minimum auquel il faut ajouter les 17.000 rapatriés pour raisons de santé qui périrent pendant le voyage les ramenant en France ou juste après avo ir posé le pied sur le sol de la mère patrie. 6 Il n’y eut sans doute pas un seul captif de ces sa tanés pontons qui ne fut atteint par quelque maladie. Les raisons en étaient multiples, à commencer par le manque d’hygiène. A leur entrée dans la prison, les détenus, dépourvus de tout après avoir été méticuleusement dépouillés par la soldatesque anglaise, se voyaient remettre une espèce d’uniforme de très mauvaise qualité qui ne faisait pas long feu. Ces h abits transformés très vite en guenilles (surtout avec les conditions de vie énoncées plus h aut) étaient censés, d’après le règlement, être remplacés tous les dix-huit mois, mais il fall ait souvent attendre de trois à quatre ans avant d’en percevoir de nouveaux. Les soldats franç ais, condamnés à porter ces oripeaux sans pouvoir les changer, se retrouvaient ainsi couverts de vermine. Pour essayer d’en diminuer la quantité, chaque prisonnier procédait à une revue d e sa personne avant de se coucher. Au matin, il examinait sa couverture tout aussi minuti eusement, s’efforçant de détruire le maximum de vermine. Les détenus s’employaient égale ment à laver, tous les matins et à grande eau, le sol de leur batterie. De la même man ière, ils s’attachaient à nettoyer les latrines (situées à l’extrémité de chaque batterie). Cependa nt, rien ne parvenait à enlever l’odeur épouvantable qui s’en échappait. Autre facteur propice aux maladies ou qui, du moin s, contribuait à les aggraver : le décompte des prisonniers. Si cette opération pouvai t paraître anodine, elle était génératrice de très importants coups de froid que des corps affaib lis étaient incapables de supporter. En effet, que le lecteur imagine ces soldats français restant , durant la période hivernale, confinés dans leur batterie pendant quinze ou seize heures. Ils s ont là, suffocant et transpirant, certains complètement dévêtus après avoir abandonné leurs lo ques dont le contact leur est devenu insupportable ou n’ayant tout simplement plus rien à se mettre sur le dos. Soudain, le soir venu, on demande à ces hommes de monter sur le pont par un temps effroyable et souvent glacé. Une fois que tous les prisonniers sont parve nus sur le pont, les gardes les font redescendre un par un, ce qui permet de les compter . Les derniers à regagner leur lieu de détention seront restés plus d’une heure exposés à de rudes conditions climatiques et, pour certains d’entre eux, dans le plus simple appareil ! Précisons que ces mêmes hommes ont les poumons déjà encombrés par tous les miasmes et autr es poussières régnant en maîtres dans les batteries et on comprendra mieux comment les ma ladies pulmonaires ont pu se développer si rapidement parmi une jeunesse que rien ne sembla it pouvoir abattre. Parmi les affections respiratoires dont les détenus des pontons furent v ictimes, la plus courante était, bien entendu, la phtisie pulmonaire que l’on connaît depuis sous le nom de tuberculose. A ce fléau venaient s’ajouter des pneumonies et des pleurésies. Mais là ne s’arrêtait pas la liste des maux, puisque sur les pontons sévissaient aussi la variole, le ty phus, le paludisme, la fièvre jaune (maladie apportée par les prisonniers en provenance de Saint -Domingue), la dysenterie, le choléra, des ectoparasitoses et même la syphilis. S’il peut para ître curieux qu’une maladie vénérienne ait pu se développer sur les pontons, n’oublions pas la présence de quelques femmes en ces lieux abandonnés par Dieu, sans parler du fait que certai ns captifs en étaient venus à pratiquer des actes sodomites. Lorsqu’un homme était devenu trop malade, on le co nduisait sur le ponton-hôpital où il avait toutes les chances de décéder rapidement, vu que, selon le chirurgien turinois Fontana, « la médecine exercée dans les prisons d’Angleterre est un auxiliaire dont on se sert pour tuer et non pour guérir ». De fait, quelle qu’ait pu êtr e leur maladie, les patients se voyaient toujours administrer les mêmes traitements : la sai gnée et les affusions d’eau froide (les bains d’eau glacée étant censés lutter contre la contagio n). Inutile de préciser qu’avec de tels procédés, les malades déjà affaiblis par leurs maux n’avaient que peu de chance de s’en tirer. Et pendant ce temps, la presse britannique répétait périodiquement que « la santé des prisonniers était dans l’état le plus satisfaisant, et qu’ils étaient seulement atteints de rhumes légers et sans importance. » 7 N’ayant sans doute pas assez à souffrir de conditi ons de vie inhumaines, de privations et d’atroces maladies, les prisonniers des pontons devaient, en outre, subir les persécutions de leurs geôliers allant parfois jusqu’à l’assassinat. Les commandants de ponton, tout d’abord, n’hésitai ent pas à tourmenter les captifs sous n’importe quel prétexte, notamment quand ceux- ci refusaient d’obéir à leurs ordres iniques. Lorsqu’ils souhaitaient infliger une punit ion à un homme en particulier, ils usaient (et abusaient) du « black hole » (littéralement : « tro u noir »), qui n’était autre qu’un cachot de six pieds carrés aménagé dans la cale (se trouvant, par conséquent, à environ 2,40 m en- dessous du niveau de l’eau). En cet endroit régnait une obscurité absolue et l’air y était particulièrement rare. De sorte que le règlement in terdisait d’y maintenir un homme au-delà de dix jours. Naturellement, cette règle était souv ent violée, comme en atteste le cas d’un certain Boucault, canonnier d’artillerie de marine. Ce dernier, ayant refusé de couper sa belle moustache qui en imposait sans doute trop aux Angla is, fut enfermé dans un « black hole » et y resta 98 jours ! Mais, la plupart du temps, les c ommandants de ponton préféraient avoir recours aux punitions collectives, lesquelles consi staient à consigner les prisonniers dans leurs batteries ou à les priver de vivres et d’eau. Sur l e ponton le « Samson », à Chatham, par un très chaud mois de juillet, les prisonniers restère nt enfermés pendant trente-six heures, les sabords rabattus ! Toujours sur le « Samson », le c ommandant prit le prétexte d’une fausse rébellion pour faire tirer sur les captifs. Huit Fr ançais furent tués, dont le lieutenant d’infanterie Dubeausset. Les survivants essayèrent bien de porter plainte en établissant un procès-verbal à l’attention des autorités britanniq ues mais, comme à son habitude, la commission d’enquête conclut son rapport par les mo ts « justifiable homicide » (« homicide légitime »). Pour en terminer avec les commandants de ponton, r appelons ici la description qu’en donnait le lieutenant Mesonant : « Ils sont en géné ral hauts, brusques et grossiers envers les prisonniers : hommes de néant, ils sentent intérieu rement leur réelle insuffisance, et tâchent d’y suppléer en se donnant une importance factice p ar la morgue et la brutalité, surtout envers les officiers dont ils ne peuvent méconnaître la su périorité et qu’ils tâchent de dégrader et de mortifier autant qu’il dépend d’eux ; mais, semblab les à tous les tyrans, ils sont lâches lorsqu’il s’agit de payer de leur personne, ce qu’o n a vu dans quelques rencontres très rares, où le hardi désespoir d’un prisonnier les a fait ca pituler en rampant ; ont eût cru alors voir la grenouille, qui, pour s’être trop enflée, rentre da ns sa nihilité. » Devant de tels exemples, on ne pouvait pas attendr e de la soldatesque anglaise qu’elle se comportât mieux. Non seulement les crimes commis par les hommes de troupe britanniques restaient impunis, mais encore ces der niers étaient-ils encouragés à persécuter les prisonniers par un avancement rapide. Les cas de ma ltraitance étaient si nombreux (coups de crosse de fusil, de sabre ou de baïonnette) qu’ils faisaient partie du quotidien des captifs. Parfois, le déchaînement de la troupe était si cons idérable qu’il conduisait inéluctablement jusqu’au meurtre. Parmi les victimes d’un tel achar nement se trouva un nommé Maquet, timonier de la corvette l’Iris. Alors que ce dernie r avait tenté de s’échapper du ponton le « Glory », il resta accroché à ce navire-prison par la corde qui attachait son sac. Après l’avoir assommé à coups de crosse de fusil, les soldats ang lais se firent un devoir de le massacrer à l’aide de leurs sabres. Là aussi, une plainte fut d éposée, mais celle-ci n’aboutit qu’à la réprimande d’un seul gardien, celui qui avait pris la moindre part à cet acte abominable (et sans doute pour cette seule raison). Nous avons également le témoignage du général Pill et, tout à fait édifiant : « Au moment où l’on doit compter, des soldats descendent pour faire monter les prisonniers, et il se commet alors des actes effroyables de brutalité ; p lusieurs fois des prisonniers ont été percés de baïonnettes ou estropiés à coups de sabre, parce qu’ils ne montaient pas assez vite au gré d’un soldat ivre. Dans ce cas, il n’y a aucun redre ssement à espérer ou à obtenir. Le colonel 10 Aussi, en guise de conclusion, allons-nous laisser la parole à un homme qui eut le malheur de connaître ces prisons infâmes, le lieute nant Mesonant qui nous a accompagnés tout au long de cet article : « La France connaîtra alors toute l’énormité des cr imes de l’Angleterre ; elle verra combien cette nation perfide a dépassé le seul droi t qu’elle avait sur ses prisonniers, de s’assurer de leur personne, en les maltraitant et l es martyrisant sans nécessité ni autorité légitime, mais de gaieté de cœur, et dans le dessei n bien prononcé d’assouvir, sur des ennemis désarmés, toute la fureur de la plus vile haine nat ionale, et de les détruire, ou du moins extérieurement, par des souffrances sans nombre, af in d’annuler ainsi leur utilité future pour leur pays. Plusieurs expériences accumulées de cett e manière, jointes à la politique basse et astucieuse des Anglais, qui perce déjà à travers to us les prestiges dont ils tâchent de l’envelopper, dissiperont peu à peu le préjugé fact ice adopté en faveur de ce peuple insolent et lâchement cruel. Sa gloire usurpée tombera ; le tri dent s’échappera de ses mains ; il sera enfin, comme il le mérite, livré au mépris et au néant, et la nation française, la justice et l’humanité, seront vengées à la fois. » Pascal Cazottes Bibliographie : - « Un exemple de traitements inhumains et dégradants : les pontons » par B. Saint-Edme, extrait du Dictionnaire de la Pénalité , Tome V, Paris, 1828. - « Coup d’œil rapide sur les pontons » par M. Mesonant, lieutenant au 45 e Régiment d’infanterie de ligne , Revue rétrospective, ou bibliothèque historique, contenant des mémoires et documents authentiques, inédits et originaux, pour servir à l’histoire proprement dite, à la biographie, à l’histoire de l a littérature et des arts , seconde série, Tome XII, Paris, rue de Seine-Saint-Germain, n° 16, 1837. - « Les pontons d’Angleterre et la censure de France » par Edouard Gouin, Paris, chez l’auteur, rue Marivaux, 1841. - « Histoire des pontons et prisons d’Angleterre, penda nt la guerre du consulat et de l’Empire » par A. Lardier, ancien commis de marine, Paris, au comptoir des imprimeurs- unis, 15 Quai Malaquais, 1845. - « La santé des prisonniers français sur les pontons a nglais de 1792 à 1814 » par Marie Genin, épouse Ait Hssaine, thèse pour le dipl ôme d’état de docteur en médecine générale (directeur de thèse : Monsieur le Professe ur Jean Guénel), année 2007. - « Guillaume Alméras. Un Millavois, soldat d’Empire. 1 803 – 1814. » Association pour la promotion de l’histoire sociale millavoise, décembre 2013. Nous reproduisons ci-après quelques extraits des Mé moires de Guillaume Alméras qui survécut pendant huit ans dans les pris ons anglaises. Mais avant, rappelons brièvement son histoire... Né à Millau (Aveyron) en 1781, Guillaume Alméras fu t incorporé, en 1803, dans le 62 ème régiment d’infanterie de ligne en tant que fusilie r. Son régiment devant servir dans l’armée d’Italie, il sera d’abord affecté à Li vourne (en Toscane). Après avoir 11 participé à quelques combats contre les Autrichiens , son régiment est dirigé vers le Royaume de Naples qui a rejoint la troisième coalit ion par la volonté de son roi Ferdinand IV. En 1806, Guillaume Alméras se retrouv e donc plongé dans cette terrible guerre de Calabre où l’ennemi est aussi insaisissab le qu’omniprésent, n’hésitant pas à venir égorger les Français jusque dans leurs logeme nts. Signalons qu’entre-temps, Guillaume Alméras a bénéficié d’une promotion afin d’être admis dans la compagnie de grenadiers de son régiment (en 1805). Le 4 juillet 1806, débarque un corps expéditionnaire britannique qui, joint aux brigands calabrais, finit par avoir raison des forces françaises (les Français durent se battre à un contre trois). Après avoir vaillamment résisté, avec quelques-uns de ses camar ades, dans l’hôpital de Monteleone encerclé par 3.000 Calabrais (en ce lieu, les Franç ais en état de combattre n’étaient qu’au nombre de vingt), il n’a pas d’autre choix qu e celui de se rendre (avec les autres blessés et malades français) aux Britanniques. Cond uits jusqu’au bord de la mer, lui et ses compagnons d’armes sont dépouillés par un régim ent étranger qui leur prend jusqu’à leurs dernières pièces d’argent. Embarqué à bord d’un transport portant le numéro 85, Guillaume Alméras est ensuite emmené en Sicile où il arrive le 13 juillet. Le mois d’après, il est transféré à Malte (le débarque ment des prisonniers dans l’île a lieu le 31 août). Puis, le 30 avril 1807, il embarque pour l’Angleterre à bord du brick l’Electra. Ce navire s’arrêtera à Gibraltar. A partir de ce de rnier lieu, il poursuivra son voyage pour Albion après avoir été transbordé dans une anc ienne frégate espagnole du nom de Gabane Lidrac. Enfin, après une traversée épouvanta ble, il arrive enfin au Royaume- Uni, le 17 juillet 1807, et débarque dans le port d e Portsmouth. Depuis cet endroit, il est directement dirigé sur la prison de Forton pour con naître des conditions de détention très pénibles mais pas aussi dures, toutefois, que celles qu’il devra supporter sur le ponton le « Suffolk ». A noter que Guillaume Alméra s, d’une constitution hors du commun, survivra à ces années d’épreuves et retrouv era sa chère ville de Millau où il décédera en 1852. « Le 1 er mars 1808, nous partîmes pour aller à bord du pont on le Suffolk. Nous avons été conduits par des soldats de marine jusqu’au bor d de la mer. Nous étions 21 soldats et matelots français... Nous sommes donc arrivés à bord du ponton le Suffol k le 17 mars 1808, à la tombée de la nuit. Aussitôt arrivé sur le pont, je trouvai un de mes anciens camarades, que nous avions été pris prisonniers ensemble en Calabre. Il m’appela par mon nom. Mais aussitôt que je vis une figure si triste, je lui demandai s’il é tait malade ; il me répondit qu’au contraire il se portait bien. De voir des figures si pâles, je dis à mon camarade Jean Roucouly : « Je crois que nous sommes venus dans une triste prison. » Il me r épondit : « Va, nous n’aurons pas la mine si fraîche qu’à Forton. » « En 1810, au mois de février, on nous a parlé qu’ il allait se faire un échange des prisonniers de guerre entre la Grande Bretagne et l a France. Nous étions au comble de la plus grande joie d’entendre parler de notre libération ; tous les jours les gazettes anglaises nous donnaient l’espoir. Les bourgeois venaient à bord d u ponton et nous disaient : « MM. Les Français, vous allez partir immédiatement. » L’écha nge était accordé entre les deux gouvernements. Mais tout cela n’empêchait pas que tous les jours nous étions menés comme des esclaves. M. Guilmort, capitaine de vaisseau, comma ndait le ponton où nous étions. Alors que nous lui faisions quelques réclamations, juste soit pour nos vivres, ou quand la garnison faisait du tort à quelque prisonnier, alors il nous disait qu’il faisait bien. Quand nous lui portions le pain ou la viande ( ces denrées se trouvaient être complètement pourrie s – NdlA ), il nous 12 répondait que nous étions bien heureux ; que les pr isonniers, en France, n’en avaient pas de si bons. Nous lui répondions que les prisonniers en Fr ance étaient plus heureux que nous, qu’au moins ils n’étaient pas entassés les uns sur les au tres et en même temps que la vermine ne les dévorait pas comme nous et que la troupe française ne frappait pas leurs prisonniers comme les Anglais. Car les Anglais lorsqu’ils descendaient dans la ba tterie ou dans le faux pont, pour faire monter les prisonniers pour les compter, ils ne pou vaient pas descendre une fois sans qu’il y ait quelque malheureux qui n’en soit la victime, pa r des coups de baïonnette dans les cuisses ou dans les bras ou la tête. Aussitôt que les Français obtenaient quelque victo ire sur les Anglais, en Espagne, nous le savions avant que la Gazette fût à bord du ponto n : les Anglais nous menaient avec la plus grande douceur. Lorsqu’ils gagnaient, on les voyait descendre dans la batterie comme des lions déchaînés avec leurs baïonnettes et ils frapp aient les prisonniers à tort, à travers ; celui qui se trouvait le dernier était abîmé par ces scél érats. Lorsqu’il faisait beau temps, on nous renfermait d ans le cachot ; lorsqu’il faisait mauvais temps, qu’il tombait de la neige ou de la p luie, c’était alors qu’on nous faisait monter sur le pont. Dans la boue jusqu’aux chevilles, nous étions entassés les uns contre les autres, tout nus. Les Anglais quand ils voyaient cela, il y en avait qui riaient de nous voir dans la misère. Il y avait des jours que quand il y en avait qui c herchaient à déserter, on nous faisait monter sur le pont à grands coups de crosse de fusi l, tout nus ; on nous faisait rester là jusqu’à onze heures. A onze heures et demie, nous descendio ns pour manger un peu de mauvaise soupe. Après-midi, c’était la même chose jusqu’à la nuit... Quoique dans la misère, nous nous attendions d’êtr e échangés. Mais, le 27 septembre 1810, l’on apprit la fatale nouvelle que l’échange avait échoué. Nous voilà tous dans un affreux chagrin ; la plupart tomba malade de se voi r réduit toujours dans la misère ! » « Le 18 décembre 1811, un ordre arriva à bord du p onton pour que tous les militaires partent pour aller à la prison de Porchester, qu’il fallait faire de la place pour mettre des prisonniers venant d’Espagne. Alors nous nous prépa râmes tous au nombre de 300 hommes pour partir. » « Le Gouvernement anglais devait nous passer un ha billement tous les dix-huit mois ; mais je peux dire que, dans huit ans de prison, j’a i touché à peu près deux habillements, et encore pas tous complets... » « Celui qui avait le malheur d’aller à l’hôpital, il pouvait dire qu’il n’était pas sûr d’en sortir, vu que l’on y était très mal. En 1814, le c hirurgien-major traitait les malades très mal... Tous les malades se plaignaient que le major les fa isait mourir de faim. Je peux dire qu’il y a eu des malades qui se sont détruits avec un couteau , voyant qu’on les voulait faire mourir de faim... » Finalement, au mois de mai 1814, vint l’heure de la délivrance. Dès le 7 mai, Guillaume Alméras se retrouva libre de ses mouvemen ts. Etant allé se promener dans la campagne anglaise, en compagnie de deux de ses cama rades, ses pas le conduisirent jusqu’à une ferme où lui et ses compagnons furent t rès bien reçus, preuve que le peuple britannique (du moins, une grande partie de ce peup le) n’avait rien à voir avec ses ignobles dirigeants et, surtout, qu’il ignorait tou t du sort funeste réservé aux prisonniers français : 13 « MM. les Français, donnez-vous la peine d’entrer chez nous. » Nous les avons très bien remerciés en leur disant que nous étions des m alheureux prisonniers. Ils nous ont répondu que c’était un honneur pour nous et même po ur eux. De voir l’honnêteté de ces braves gens-là nous sommes entrés aussitôt. Ils ont été chercher du stout, qu’on appelle la première bière ; ils ont apporté du pain, du fromag e, du beurre et d’autres choses, pour nous faire dîner. Le bourgeois a voulu dîner avec nous e t nous a demandé l’état de notre situation de prisonniers de guerre ; nous lui avons donné que lques détails. Ces braves gens-là frémissaient de nous entendre parler ; ils nous ont plaint beaucoup, mais ils nous ont assuré que l’on préparait des bâtiments pour nous transpor ter en France. »